Robert Z’Dar est un phénomène. Pas seulement à cause de ses os du visage hypertrophiés, mais parce que sa gueule ne l’a pas empêché d’avoir une carrière que lui envieraient bien des jeunes premiers, et surtout du fait que notre homme a su mener sa barque avec efficacité, malgré une filmographie qui explore avec constances les tréfonds du nanar infra-hollywoodien.
Robert en commissaire de police dans le très fauché « Dans les griffes du dragon d'or ».
Robert J. Zdarsky est né le 3 juin 1950 à Chicago, dans une famille d’origine lituanienne. Il étudie la comédie durant sa scolarité, mais, s’il se sent une âme d’artiste, Robert se destine plutôt à la musique. Très jeune, il monte une société de production qui oeuvrera principalement dans la musique pour publicités. Parallèlement, le futur Maniac Cop usera de son physique pour faire peur aux contrevenants : il met un temps sa carrure d’armoire à glace au service de la loi, en tant qu’agent de police à Chicago. Mais l’appel du show-biz est le plus fort : de fil en aiguille, le physique de Robert lui vaut de tenir des petits rôles à l’écran. On le voit notamment jouer les silhouettes de sbires dans des films comme « Cherry 2000 ». Robert commence par franciser élégamment son nom en se faisant appeler « Darcy », puis il choisit l’originalité en se rajoutant une énigmatique apostrophe et en devenant « Z’Dar ».
Robert dans « Tango et Cash ».
Après plusieurs rôles de brutes, Robert Z’Dar accède à la notoriété grâce au succès de « Maniac Cop », de William Lustig, dont il tient le rôle-titre. Lustig avait eu l'idée d'embaucher Robert après l'avoir vu jouer un tueur dans le film « The Night Stalker » et avoir été frappé par son allure. Il confia plus tard que, ne connaissant pas l'acteur à l'époque, il n'était pas du tout rassuré lors de leurs premiers entretiens.
Jouant un super-flic devenu un serial killer indestructible, Robert vole la vedette à Bruce Campbell, héros du film, et marque durablement les esprits par son impressionnante stature. Son expérience de véritable agent de police l'a en outre aidé pour obtenir une gestuelle crédible. Ce parfait inconnu, embauché pour tenir un rôle muet, va rapidement devenir une star de la série B. Malgré quelques rôles dans des productions plus riches (il joue notamment un taulard menaçant dans « »), Robert Z’Dar va en effet concentrer son activité dans les productions les plus fauchées des bas-côtés d’Hollywood.
Conscient de n’être pas un grand comédien (on ne peut pas dire qu’il fasse dans la sobriété lors de la dernière scène de « Maniac Cop », où l’on voit enfin son visage), Robert gère intelligemment son image en tenant des rôles de vedette ou de guest-star, jouant généralement les méchants, dans de très petites productions dont il est souvent l’acteur le plus connu. C’est ainsi qu’outre deux suites de « Maniac Cop » (où son personnage devient une sorte de zombie à la Jason), Robert Z’Dar paie de sa personne dans des films comme l’ahurissant « Samuraï Cop », le décadent « Dar l’invincible 2 », ou « Frogtown II » (la suite de « Hell Comes to Frogtown », où il joue pour une fois le héros en reprenant le rôle de Roddy Piper).
Robert dans « Dragonfight ».
Il se compromet également dans les productions de Ciné Excel, la boîte de production-distribution américaine la plus minable de ces deux dernières décennies, faisant le guignol dans des films comme « Pocket Ninjas » ou « Future War », où il est un cyber-guerrier particulièrement peu crédible.
Occasionnellement producteur, Robert mène cependant très bien sa barque. L’homme, très sympathique, sait entretenir une petite base de fans en apparaissant dans de nombreuses conventions de films d’horreur où il soigne sa popularité et se montre accessible et souriant. D’où une activité très soutenue (jusqu’à quatre films par an), qui font de Robert Z’Dar l’une des personnalités les plus reconnaissables du cinéma de dernière zone.
Robert en compagnie de Michael Berryman, autre grand « freak » d’Hollywood.
Quelque chose en lui de Freddie Mercury…
Le physique particulier de Robert, s’il ne lui a pas valu une carrière de séducteur, aura cependant fait de lui une présence toujours réjouissante dans des nanars souvent accablants, auxquels il apporte de l’intérêt à défaut de les sauver par ses seules apparitions.
Robert pète un câble dans « Pocket Ninjas ».
Robert Z’Dar a certes privilégié, et de très loin, la quantité à la qualité : mais ne vaut-il pas mieux devenir une star du nanar plutôt qu’un grand comédien ignoré ? Grave question existentielle à laquelle vous allez maintenant réfléchir, entre deux projections de « Samuraï Cop » et « Zombiegeddon ».
Robert dans le très réjouissant « Samuraï Cop ».
Ce n'est, hélas, pas un poisson d'avril : alors qu'il venait de tourner quelques scènes pour Samuraï Cop 2, Robert Z'dar nous a quittés le 1er avril 2015, fauché à 64 ans par un arrêt cardiaque à son domicile de Pensacola en Floride. Une mort prématurée qui nous enlève une personnalité attachante et unanimement appréciée par tous ceux qui l'ont fréquenté. So Long Robert, tu nous manqueras.
Robert avait l'air d'être un gros déconneur si l'on en juge par cet extrait d'interview sur son site personnel hélas aujourd'hui mort:
X: How did you get started in acting? Is it something you always knew you wanted to do? Z'DAR: Performing...no, just kidding. I started out doing theater work in High School, then gained my BFA from Arizona State. After a short stint as a Chip n' Dales dancer I began working in film. Pt-2-No, I always wanted to be an undercover drug cop-oh, wait, that is my career, acting is my cover...don't print that...I'm not a cop...really...lighten up...jeez. I AM NOT A COP, I JUST WANT TO BE ONE, or a fireman...or an undercover drug fireman...or a fireman under the covers with a bag of drugs and a sexy undercover policewoman with an open mind. X: After reading over your entire body of work, we think you're the hardest workingman in movies! How hard is it to keep up that sort of schedule? Z'DAR: I go to work everyday, just like everyone else...and I do bring my Josie and the Pussycats lunch box with me. Just in case.